Sous nos latitudes belges, ces dernières années ont été synonymes de beaucoup d’arrosage pour des récoltes moyennes, quand ce n’est pas la pluie qui décimait les plants de tomates ou les limaces et chenilles qui infestaient les salades. Todi on’saqwè qui n’va nin amon nos’autes ! (*)
Dans un premier temps, une serre était la réponse évidente au besoin de s’affranchir des intempéries et à l’envie maximiser notre production.
L’aquaponie en plus, c’est un peu la cerise sur le gâteau pour arriver à ce rendement avec peu d’eau, sans trop d’efforts et des poissons en prime !
(*) Toujours un truc qui ne va pas chez nous !
QU’EST-CE QUE L’AQUAPONIE ?
L’aquaponie est une technique de culture hors sol qui combine aquaculture et hydroponie, soit l’élevage de poissons et la culture de plantes dont les racines se développent sans terre et sont constamment irriguées.
L’eau, enrichie par les déjections des animaux aquatiques décomposées par des microbactéries, vient nourrir les plantes. Ces dernières la filtrent en se nourrissant et retournent ainsi de l’eau purifiée aux poissons : la boucle est bouclée !
Les plantes, les poissons et les microbactéries évoluent dans un écosystème circulaire vertueux, où chaque acteur tire profit des autres pour sa propre croissance.
Le seul apport extérieur est la nourriture des poissons et un appoint d’eau (de pluie ou osmosée de préférence).
Aqua- Hydro- Bio- ponie, quelles différences ?
En hydroponie, on cultive également des végétaux hors-sol, mais l’eau est enrichie de nutriments et d’engrais pour les faire grandir. En fonction du type d’engrais qu’on utilise, on parlera d’hydroponie (engrais chimique) ou de bioponie(engrais biologique).
En aquaponie, pas besoin d’engrais : les poissons et les microbactéries se chargent de tout ! Y a pas plus bio 😅
Pour assurer une bonne production, il est malgré tout nécessaire de rajouter certains compléments selon ce que l’on plante, des carences éventuelles constatées et des résultats espérés (magnésium, potassium, calcium, fer et micronutriments …).
COMMENT ÇA FONCTIONNE ?
On part d’une cuve qui sert de bassin pour les poissons et on y installe une petite filtration, une pompe, et quelques mètres de tuyaux pour envoyer l’eau dans les tours de cultures ou les bacs potagers. On raccorde si nécessaire des tuyaux pour le retour de l’eau filtrée dans le bassin et le tour est joué !
Pour vos plantations, vous pouvez soit pratiquer de la DWC (Deep Water Culture) qui consiste à cultiver sur radeau (sur raft) en laissant flotter des structures sur vos bacs, soit en plantant verticalement. Vous pouvez même faire les 2 !
C’est un des gros intérêts de l’hydro et l’aquaponie (à petite échelle) puisque la culture verticale permet de maximiser votre surface cultivable.
Pour ce faire, on crée des tours dans lesquelles on vient insérer une matrice spécifique qui accueillera les jeunes pousses. On peut fabriquer ses tours soi-même dans des tuyaux en métal ou en PVC alimentaire, mais il existe des solutions prêtes à l’emploi spécialement étudiées pour cet usage, comme les tours ZipGrow utilisées par MyFood.
Une structure autour du bassin vient maintenir les tours de culture, qui peuvent ainsi laisser ruisseler l’eau purifiée directement aux poissons sans tuyauterie supplémentaire.
Dans le cas de l’utilisation de raft, le lit de culture est constitué d’un bassin d’environ 30 cm de profondeur, sur lequel flottent les radeaux servant de support aux plantes. L’eau retourne ensuite au bassin par la tuyauterie.
La culture verticale est souvent destinée au petites structures tandis que la culture en radeau est privilégiée pour les moyennes et grandes structures.
Idéalement, on installe tout cela sous serre. Mais votre véranda peut faire l’affaire 😬
QU’EST-CE QU’ON MANGE ?
En aquaponie, vous pourrez cultiver des légumes à feuilles (salades, cresson, choux, kale, épinard, céleris, oseille …), des petits légumes-fruits (tomates cerises, concombre, haricots, poivrons, piments, pois, cornichon, aubergine, …), des fruits(fraises, mûres, pastèques, melon, …), mais aussi des aromates (basilic, ciboulette, coriandre, persil, menthe, thym, …), des fleurs comestibles, quelques petits légumes racines (comme le radis, le navet, le panais ou la carotte nantaise) ou encore de l’ail, des échalotes et des jeunes oignons – pour ne citer qu’eux.
Côté poissons, il est préconisé de commencer par des poissons rouges certes non comestibles, mais bien plus faciles à élever que les poissons qui finiront dans votre assiette.
Parmi ces derniers, les espèces comestibles les plus adaptées à l’aquaponie sont la truite, la carpe, le tilapia, le sandre et l’Archigan à grande bouche. Vous pouvez également y mettre des crevettes et écrevisses d’eau douce.
Si vous êtes plutôt poisson d’ornement ou vegan, les silures, des carpes Koi sont aussi envisageables (mais j’opterais plutôt pour la facilité des poissons rouges dans ce cas).
Le choix du type de poisson que vous ferez affectera la difficulté que vous rencontrerez avec votre système aquaponique. Retenez grosso modo :
– hydro/bioponie : facile,
– poissons rouges : moyen,
– poissons comestibles et d’ornement : difficile.
LES AVANTAGES D’UNE SERRE AQUAPONIQUE
✓ Petite superficie, gros rendement
Non seulement on cultive plus de mètres carrés que d’espace disponible au sol grâce aux tours de cultures verticales, mais les plantations poussent également mieux.
On parle de rendement jusqu’à 3 x supérieurs et une croissance jusqu’à 2x plus rapide qu’une culture en terre classique.
En termes de superficie, 1 m2 au sol en culture verticale sous serre vont produire l’équivalent de 6 m2 en terre (à la louche). Même si vous optez pour la culture en radeau, vous pouvez planter beaucoup plus serré et être bien plus productifs !
✓ Économie substantielle d’eau
Accrochez-vous bien : on économise environ 90% d’eau en aquaponie en comparaison à une culture en terre classique 🤯
Plus de rendement avec moins d’eau, vous savez comment on rend ça encore plus beau ? Avec la récupération d’eau de pluie sur la serre, histoire d’optimiser l’installation. 👌
À l’heure où nous sommes confrontés à des périodes de sécheresse de plus en plus longues et où l’eau se fait précieuse (et son utilisation parfois réglementée par temps de canicules), une réserve d’eau de pluie supplémentaire est toujours la bienvenue.
✓ Pas compliqué à entretenir…
… à partir du moment où on sait ce qu’on fait ! 😅 Ce n’est pas difficile, mais il faut être méthodique et bien se renseigner, voire être conseillé(e) ou assisté(e) au début.
L’entretien est grandement facilité par rapport à un potager traditionnel. Plus besoin de retourner la terre, de désherber, de réfléchir à la rotation des cultures ou de partir à la chasse aux limaces.
Les bacs d’irrigation et les tours de cultures verticales sont à bonnes hauteurs et l’effort physique et les contorsions sont moindres pour les entretenir… même si cette économie d’énergie est en partie compensée par la chaleur de la serre qui peut fatiguer plus rapidement.
Il vous faudra également contrôler toute une série de paramètres plutôt liés à l’aquaculture (gestion du pH, de la dureté de l’eau, taux d’oxygénation, température, etc.) et à l’hydroponie (ajout de compléments) qu’au jardinage.
Il existe des solutions connectées qui facilitent grandement cet aspect, je vous en parlerai dans un prochain article.
Dernièrement, ne croyez pas que la serre et la culture hors sol vous prémunissent de tous les maux : certes, vous n’aurez pas de limaces, ne souffrirez pas des pluies abondantes et éviterez un bon nombre de maladies, mais il vous restera la chasse aux pucerons (l’ennemi des serres), les fourmis, les thrips et autres mouches de terres.
On y reviendra aussi dans de prochains articles !
✓ S’affranchir de la qualité du sol et du manque d’espace
La culture hors sol, qu’elle soit en en bac de permaculture, en tours verticales ou en radeaux, permet d’installer ses plantations sans se soucier de la fertilité ou la pollution du sol. La culture verticale permet d’optimiser quant à elle le rendement au mètre carré et ainsi être mise en place dans de petits espaces et en zone urbaine.
C’est ici que l’aquaponie peut prendre un aspect sociétal en développant des micro-fermes urbaines, même sur sols bétonnés ou pollués, afin de contribuer à nourrir les villes en circuit court avec de la production locale de qualité.
Je prends des exemples extrêmes avec des sols bétonnés ou pollués, mais la qualité et le type de terre de votre jardinpeuvent simplement être un argument pour passer à la culture hors-sol. Nous utilisions déjà des bacs potagers pour contrer notre sol super argileux.
✓ S’affranchir des intempéries et étendre la saison
C’est plus un bénéfice lié à la culture sous serre qu’à l’aquaponie en tant que telle, mais protéger nos cultures était un de nos objectifs principaux dès le début de notre réflexion.
Grêles occasionnelles, orages violents, pluies courtes et abondantes ou simplement de longues périodes de temps pourri (viva belgica !) nous ont tout simplement apporté trop de déception par le passé (maladies, plans noyés, champignons, plantes cassées par le poids de l’eau, …).
C’est également l’occasion d’allonger considérablement les saisons propices au jardinage. On commence plus tôt dans l’année, on finit plus tard : bref, on produit plus longtemps ! Vous pouvez même cultiver des choux et de la mâche en hiver 🤗
✓ Fraîcheur, Qualité, Plaisir
Difficile de battre la qualité nutritive et le goût d’une production fraîchement récoltée, d’autant plus quand on maitrise avec certitude l’aspect biologique des apports que l’on introduit dans l’écosystème (nourriture des poissons, compléments).
La redécouverte du goût des fruits et légumes, le cycle saisonnier qu’on avait tendance à oublier, la tranquillité d’esprit par rapport à la météo et aux maladies ou simplement le plaisir de manger sa propre production sans s’être cassé le dosou avoir arrosé tout l’été pour l’équivalent de 2 grosses salades garnies et une passoire de tomates cerises 🥳
Croyez-moi : quand cela a eu le bon goût de pousser sans trop faire chier avec uniquement les bons côtés du jardinage, c’est encore meilleur ! 😜 😂
AGRICULTURE DU FUTUR ?
L’aquaponie est souvent décrite comme l’agriculture du futur dans les articles vulgarisateurs comme celui-ci.
On devrait plutôt appeler ça un retour aux sources puisque cette technique a été utilisée par les Aztèques il y a 1000 ans avec les chinampas, de petites iles flottantes assimilables à la culture en radeau dans une eau poissonneuse.
Avant ça, les Chinois faisaient cohabiter pisciculture et rizières. Il y a 2500 ans, ils fertilisaient déjà leurs cultures aquatiques avec des déjections de poissons.
Le point commun ? Des civilisations prospères, avec chaque fois le même problème : toujours plus de bouches à nourrir, avec toujours moins de ressources… et l’aquaponie comme une des solutions.
L’aquaponie fait partie des outils à notre disposition pour diminuer l’empreinte écologique de notre alimentation, sans faire de concession sur la qualité. Elle ne sauvera pas le monde à elle seule, mais elle peut contribuer à économiser pas mal d’eau douce et d’éviter un bon nombre de kilomètres de transport si elle est pensée en circuit court.
PROJET DE FAMILLE
Bien sûr, nous ne serons pas autonomes en fruits & légumes avec 11 m2 de culture aquaponique et de bacs de permacultures, mais on nous annonce jusqu’à 200 kg de production annuelle.
Nous débrieferons ensemble l’efficacité du système au fur et à mesure des aventures de la serre, du lancement du cyclage aux premières récoltes, dans la section Aquaponie du blog.
Vous pouvez également suivre le compte Instagram SERR_EMOI où Gladys (la moitié instagrammable de notre couple) s’occupera de vous expliquer tout cela au jour le jour avec style ! 🤩
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